DE LA SCIENCE INITIATIQUE
Par Jean Pierre KAYA
Nous sommes très convaincus que les Africains de l’Antiquité, comme ceux de l’époque précoloniale, connaissaient un phénomène social total spécifique à l’Afrique, appelé Initiation.
Celle-ci a pris un nom différent d’une société africaine à l’autre. Ainsi à l’époque pharaonique, elle a reçu le nom de MAÂT. L’objet de l’Initiation nous est parfaitement connu. Dotée d’une puissante efficacité cathartique, son but est d’abord d’accéder à la connaissance la plus exacte de l’être, pour procéder par la suite à sa transformation.
Nous visons ici à dégager une structure théorique cohérente, qui confère à l’Initiation la qualité de science suprême, qu’elle possédait à l’époque pharaonique. Or, le contenu du savoir initiatique que les Maîtres de l’Egypte antique avaient atteint et formulé, est précisément celui qui aujourd’hui s’est répandu dans les écoles initiatiques occidentales (Franc-maçonnerie, Rose-Croix, Théosophie, Templiers, etc.). Savoir hérité par la Grèce ancienne directement de l’Egypte, et retransmis au monde occidental contemporain.
Sous cette nouvelle forme, un pseudo savoir initiatique, généralement dépouillé de son véritable contenu, revient en Afrique postcoloniale sous l’apparence de sectes malfaisantes, qui visent uniquement des intérêts matériels, profitant cyniquement de la fragilité psychologique actuelle des Africains: la crise de la personnalité africaine.
Notre intention clairement déclarée, sera de définir les principes fondamentaux de la science initiatique originelle, sur la base des meilleurs travaux, des Maîtres contemporains (qui déclarent eux-mêmes avoir puisé dans l’héritage pharaonique), afin de définir les principes fondamentaux de la science initiatique si distinctement, qu’ils permettront de distinguer à coup sûr entre vrais et faux enseignements initiatiques.
Après quoi, nous pourrons affirmer, que ce savoir qui donne accès non seulement à la connaissance exacte de l’être humain, mais aussi à celui de l’être du monde, c'est-à-dire de l’essence permanente du cosmos, ou encore de l’Intelligence de la Nature, est de droit l’héritage le plus précieux des descendants des pharaons eux-mêmes: les Africains#. Et que, cette pensée originellement africaine, a un nouveau rôle à assumer dans la société africaine postcoloniale, en réalisant la Renaissance Africaine et dans la pensée scientifique moderne elle-même, où elle va opérer une véritable révolution paradigmatique.
PREMIERE PARTIE
OBJET DE LA SCIENCE INITIATIQUE
L’affirmation du fait initiatique se justifie par la conviction qu’il existe une nature humaine. Cette nature parce qu’égocentrique et primitive, est jugée nuisible par les Initiés#. Elle est à l’origine de toutes les pathologies individuelles psychosomatiques, ainsi que des crises sociales qui engendrent des conflits, des contradictions insurmontables, des discordes et des blocages dans la société. C’est pourquoi la nature humaine doit se soumettre à la rigueur initiatique. C'est-à-dire la à la domestication, pour permettre à une autre nature, de venir occuper sa place: la Nature Divine de l’Homme, la MAÂT.
Aussi, l’Initiation peut-elle se définir comme la science du développement spirituel de l’être. Cette approche spécifique du destin de l’être, ouvre des perspectives philosophiques et scientifiques nouvelles dans la connaissance de l’Homme et de l’univers; de leur structure et de leur dynamique qui s’inscrivent directement dans la problématique de la postmodernité. En tout cas, elles ont conduit les Initiés à affirmer l’existence d’une Intelligence Cosmique: MAÂT, qui gouverne le cosmos, comme une subtile et très Haute Instance administrative, qui gère le destin et l’Histoire de chaque être et des groupes d’êtres.
1. La nature de la nature humaine
La question de la nature humaine, ou de l’être#, de son existence ou de son non-existence, n’a cessé d’opposer les savants et philosophes occidentaux depuis l’Antiquité grecque. C’est JP. SARTRE qui la formule de la manière la plus radicale. Il affirme que la nature humaine n’existe pas, et que l’existence précède l’essence. Il écrit:
«Qu’est-ce que signifie ici que l’existence précède l’essence? Cela signifie que l’Homme existe d’abord, se rencontre, surgit dans le monde, et qu’il se définit après. L’Homme, tel que le conçoit l’existentialiste, s’il n’est pas définissable, c’est qu’il n’est d’abord rien. Il ne sera qu’ensuite, et il sera tel qu’il se sera fait. Ainsi il n’y pas de nature humaine, puisqu’il n’ y pas de Dieu pour la concevoir. L’Homme est seulement non seulement tel qu’il se conçoit, mais tel qu’il se veut, et comme il se conçoit après l’existence, comme il se veut après cet élan vers l’existence, l’Homme n’est rien d’autre que ce qu’il se fait».
A cette position radicalement matérialiste, DESCARTES oppose le doute suivant:
«Car comment serait-il possible se demande t-il, que je puisse connaître que je doute et que je désire, c'est-à-dire qu’il me manque quelque chose et je ne suis pas totalement parfait, si je n’avais pas en moi aucune idée d’un être plus parfait que le mien par comparaison duquel, je connaîtrais les défauts de ma nature?».
Cependant pour la science initiatique, un tel débat n’a aucun intérêt. Car cette science dissout la contradiction entre l’existence et l’essence, autrement dit entre Nature Divine et nature humaine. Elle substitue une hiérarchie entre ces deux catégories. Et, affirme la toute puissance de l’Esprit sur la Matière.
En effet, la nature humaine et la Nature Divine sont toutes les deux déjà présentes dans le psychisme de l’Homme. La seule préoccupation des Initiés est de chercher comment apprivoiser, domestiquer, maîtriser et soumettre la nature humaine pour permettre à la Nature Divine de l’Homme de s’imposer et de s’y manifester souarcissisme et la possessivité qui, s’ils sont déçus, se transforment en agressivité et en haine. verainement.
Ainsi pour eux, la nature humaine est une réalité objective, tangible que chacun peut constater, vérifier les manifestations sur lui-même: les mesurer, les quantifier; et les qualifier; à chaque instant de l’existence. Sa manifestation de base est l’égocentrisme. C’est sa caractéristique universelle. Elle se résume par un seul mot: prendre. Aucun être humain sur Terre n’est épargné par cette tendance fondamentale. Ainsi définie, nous verrons que la nature humaine s’oppose à la Nature Divine, qui elle se caractérise par une manifestation radicalement contraire: le désintéressement; qualité qui est l’opposé de l’égocentrisme et qui peut aussi être résumée par un seul mot: donner.
L’Homme possède en même temps ces deux natures qui se manifestent en lui en s’opposant. On peut simplement constater, que dans la situation spirituelle actuelle de l’Humanité, c’est la nature inférieure, égocentrique et primitive de l’Homme qui possède toutes les possibilités de manifestation et qui détermine donc la psychologie humaine. Autrement dit, le niveau de conscience de soi atteint actuellement par l’Humanité, n’est rien d’autre que la conscience de soi de la nature inférieure de l’Homme.
Nature Divine et nature humaine reçoivent dans la science initiatique d’autres appellations comme: nature inférieure et Nature Supérieure, personnalité et individualité, ou d’après la terminologie des Maîtres initiateurs de l’ancienne Egypte: Isfet et MAÂT. Nous utiliserons indifféremment ces couples de termes, lorsque nous développerons la comparaison entre ces deux natures. Mais avant, il convient de poser la question de l’origine de la nature de la nature humaine.
Les Maîtres de l’Initiation estiment que, la nature inférieure qui nous habite est l’héritage d’une époque où l’Homme partageait avec les autres animaux des caractères communs. On peut donc identifier cette période comme étant la Préhistoire. Pendant des millions d’années, ces caractères, ont eu ainsi le temps de s’installer profondément dans son psychisme et de lui donner une structure durable. On peut dire donc aujourd’hui, que la nature humaine est devenue parfaite dans ses manifestations. Elle s’est muée en une véritable entité vivante et autonome. C’est pour cette raison qu’il paraît impossible à l’être humain de se distinguer ou de se différencier d’elle. Ainsi la conscience à laquelle l’Homme est parvenue aujourd’hui, qu’il croit être la conscience de soi, est en fait la conscience de sa nature inférieure. Donc sans qu’il en ait conscience, son comportement, les actes qu’il pose, ses sentiments et sa pensée même, sont fondamentalement inspirés par cette nature inférieure égocentrique.
Mais, si cette nature primitive a pu avoir sa légitimité pendant des milliers d’années, dans un environnement où l’Homme était un chasseur chassé, d’après l’expression d’Edgar MORIN#, les initiés considèrent que désormais cet héritage psychologique de la Préhistoire devient caduque et constitue un handicap pour l’évolution de l’Homme et le développement des sociétés humaines. Pour se rendre compte de la pertinence de cette affirmation, il convient d’approfondir la connaissance de la nature humaine.
D’après ce que nous avons posé ci-dessus, on peut affirmer que l’Homme est doublement polarisé. D’un côté nous avons une nature inférieure égocentrique (Isfet) et de l’autre une Nature Supérieure désintéressée (MAÂT). Mais, l’expérience nous enseigne que la nature humaine se confond pour l’instant avec la nature inférieure de l’Homme. Quant à la Nature Divine, elle se limite à de brèves apparitions chez les hommes ordinaires, et ne s’exprime librement que chez les Initiés et Maîtres de l’Initiation. Mais ces derniers sont rares sur Terre. Aussi, la majorité des humains mène t-elle une vie psychologique primitive, sans s’en douter.
Parce que le principe dynamique de la nature inférieure est le besoin de prendre, l’Homme qui se laisse entraîner par cette dynamique devient égoïste et tend à voir partout la séparation: au niveau intellectuel comme sur le plan affectif et social. Il s’accroche ainsi à la forme des choses qu’il transforme en absolu d’être et de connaissance. Mais l’Initié qui connaît la nature divine, et qui cherche à s’identifier à elle, découvre progressivement que son Moi n’est qu’une partie Dieu.
Par la méditation, l’étude de soi, et l’identification, l’adepte de l’Initiation parvient à la compréhension qu’il n’existe pas une multitude d’êtres séparés, mais un seul Etre Universel Unique, qui travaille à travers la pluralité des existences distinctes, les anime et se manifeste à travers eux, même à leur insu. Donc bien qu’ayant une existence individuelle, nous vivons aussi dans d’autres créatures, puisqu’au total, la vraie nature de l’Homme, celle dans laquelle il s’épanouit réellement et devient puissant, est sa Nature Supérieure. Alors que, la nature inférieure affaiblit notre volonté, borne nos capacités affectives et intellectuelles, la Nature Divine au contraire, élargit à l’infini notre perception, notre affectivité et notre volonté. C’est uniquement à travers elle que nous pouvons réellement faire l’expérience de la Fraternité, et de la puissance créative, de la sainteté et du génie.
L’Homme est donc une trinité par sa volonté, son cœur et son intellect qui forment une structure psychique agissante. Mais puisqu’il est doublement polarisé, cette trinité est aussi double: elle caractérise aussi bien sa nature inférieure que sa Nature Supérieure. C'est-à-dire, s’il est clair, que l’Homme agit, sent et pense sur le plan physique, il peut agir, sentir et aussi penser dans sa Nature Divine, c’est pourquoi, le but ultime de l’Initiation, est de domestiquer notre nature inférieure, et permettre à la Nature Divine de se substituer à elle. Mais tant que la nature inférieure de l’Homme reste toute puissante, c'est-à-dire, tant que l’Homme mène une vie ordinaire, la nature inférieure ne tolère aucune obstruction à la réalisation de ses tendances égoïstes.
Quand elle se trouve devant une force qui fait obstacle à son besoin fondamental de prendre; elle est capable de mobiliser toutes les ressources à sa disposition: affectives, intellectuelles et volontaires, pour parvenir à ses fins. C’est pourquoi avions nous affirmé ci-dessus, que tous les problèmes tant individuels que collectifs des Hommes, sont la conséquence directe de la vie ordinaire qu’ils mènent et qui se déroulent étroitement sous l’influence de notre nature inférieure.
Or cette tendance à prendre qu’inspire la nature humaine, a des conséquences très pernicieuses pour l’Homme lui-même. Ainsi lorsqu’un être se laisse conduire par cette tendance prédatrice et consumériste, les canaux qu’emprunte l’énergie vitale se bouchent dans son organisme. La source de la vie se tarie en lui. Alors il se produit des fermentations qui créent un marécage intérieur, dû à une accumulation de pensées, sentiments, fantasmes et pulsions inférieurs négatifs qui finiront par le rendre malade et même le détruire. La nature inférieure de l’Homme peut ainsi être comparée à une eau stagnante qui attire la vermine.
La science initiatique a bien fixé la nature de notre nature inférieure. Chacun peut l’observer dans sa propre subjectivité, car elle ne peut se cacher. Lorsqu’elle se manifeste, ses tendances sont de nature grossière et prosaïque. Ayant à sa disposition la volonté, le cœur et l’intellect, elle peut exiger, s’imposer, réclamer, frapper ou tuer; ou séduire, amadouer, charmer, ou encore ruser, combiner, intriguer, etc.… Mais comme nous l’avons dit, le paradigme de toutes ces manifestations reste l’égocentrisme. Et, personne sur Terre, n’est épargné par cette nature dont le siège est le psychisme de l’Homme.
Au contraire la Nature Divine qui d’après la science initiatique y réside aussi, ne peut se manifester que pour autant que l’Homme le lui permet, en adoptant une vie compatible avec sa tendance principale à donner. Ainsi, lorsque l’Homme fonde sa vie sur le désintéressement, son cœur devient plus généreux, son intellect s’éclaire et sa volonté s’affermit. Pourquoi? Parce que, la volonté de donner et de rayonner ouvre les canaux intérieurs à travers lesquels coule puissamment la force vitale qui irrigue l’organisme, apportant: l’énergie, l’équilibre, l’harmonie, le discernement et la plénitude.
La science initiatique considère la tendance à prendre et à donner, comme deux lois absolues et vérifiables. L’être qui fonde son existence sur la volonté de donner finit tôt ou tard par ressembler au soleil, alors que celui qui adopte l’individualisme et l’égocentrisme comme mode de vie finit par se dessécher et disparaître. L’aboutissement de l’une ou l’autre de ces deux tendances, n’étant qu’une question de temps.
La qualté fondamentale de notre Nature Divine, est donc de donner, de rayonner. Par conséquent toutes les vertus doivent être considérées comme un rayonnement de l’intérieur de l’être vers l’extérieur, une projection du centre vers la périphérie. Un besoin d’arracher et de sacrifier quelque chose de soi même. Aussi, l’Homme qui tend à mettre un tel comportement en œuvre, est obligé de vaincre les tendances de sa nature inférieure. Le soleil est précisément la plus sublime illustration de cette tendance à donner. Lorsque l’Individualité (Nature Divine) apparaît dans le psychisme de l’Homme, cela ressemble exactement au lever du soleil. On ressent en soi une source qui jaillit et dilate: le cœur en y apportant l’amour, l’intellect en y produisant la lumière et la volonté en la transformant en puissance. La manifestation de la nature supérieure purifie l’Homme, lequel devient alors rayonnant et épanoui. C’est ainsi que toutes ses faiblesses, ses appétits, ses instincts… sont vaincus.
Aussi, selon qu’il choisit de servir sa nature inférieure ou sa Nature Divine, l’Homme détermine librement son destin.
2. L’évolution spirituelle comme retour aux sources de la Création
Face à notre nature humaine, la science initiatique ne préconise pas la destruction ou la violence. Elle prescrit un processus de domestication qui s’inscrit dans la très longue durée, sans rupture d’effort. Processus connu sous le vocable d’évolution spirituelle. Celle-ci se ramène à la volonté de transformer l’Homme pour le développer spirituellement, afin qu’il retrouve la pleine possession de toutes ses capacités mentales. Comme lorsqu’il est sorti pour la première fois des ateliers de l’Intelligence Cosmique.
L’Initiation est donc une véritable science dont le but est de permettre l’identification de la nature humaine avec la Nature Divine. Pour cela, les initiés ont conçu des postulats, des théorèmes, des formules, des règles, des lois et des exigences, qui s’appliquent à tous les domaines de l’existence: la nutrition, l’amour, la sexualité, le sommeil, le réveil, le travail, les relations humaines, l’éducation, l’organisation et le fonctionnement de la société, la santé la psychologie: les pensées, les sentiments, les pulsions humaines etc.… Bref, la totalité de l’expérience sociale. L’Initiation se fixe un but précis, changer l’Homme, pour le rendre excellent et parfait. Et, s’en donne les moyens.
Voici trois des postulats de base de la science initiatique.
a)-Toutes les faiblesses de l’Homme ont pour origine sa nature inférieure. C’est à travers elle que se commettent toutes les lâchetés, tous les crimes, tous les excès et toutes les transgressions. Et quoique l’on fasse, il est impossible d’entraîner la Nature Divine de l’Homme dans ces basses manifestations. Elle ne peut être mobilisée que par des pensées et des sentiments purs, c'est-à-dire non égoïstes, et donc par des actes désintéressés.
b)-Toutes les pathologies psychosomatiques et sociales dont l’Homme est victime sont le fait de sa nature inférieure et primitive, au contraire, tous les progrès, les créations sublimes, les comportements et les élans généreux dont-il est capable de temps à autre lui viennent de sa Nature Supérieure.
c)-Par sa conscience l’Homme se place entre ces deux natures qui l’habitent. Il est donc responsable de leurs manifestations, bonnes ou mauvaises en lui. Ainsi, fondamentalement le développement spirituel est un choix conscient et libre pour lui de décider de servir sa Nature Supérieure afin de devenir puissant, généreux, intelligent et sage, à l’image même de cette nature. Alors que s’il choisit de perpétuer la vie ordinaire, égoïste et primitive que lui inspire sa nature inférieure, il stagne, régresse, et tôt ou tard finit par péricliter et disparaître.
3. La mise en œuvre de l’évolution spirituelle, ou processus de maâtisation
Si l’Homme fait le choix de la transformation, pour se développer spirituellement, la méthode la plus élémentaire que lui propose l’Initiation est l’observation permanente de sa propre subjectivité. Cet exercice doit devenir un véritable automatisme. Il s’agit d’examiner chaque pensée, chaque idée, chaque sentiment, chaque désir, chaque pulsion, etc.… avant de les laisser intégrer notre psychisme. L’adepte de l’Initiation est tenu d’apprécier la nature de chaque impulsion qui le sollicite afin de savoir dans quelle direction, elle va l’entraîner: vers la satisfaction de ses tendances égocentriques? ou vers la réalisation de projets nobles? Ainsi rien de ce qui émane de notre nature inférieure ne doit jamais manquer de passer par le filtre de notre conscience. C’est ce que nous appelons la rigueur (ou ascèse) initiatique.
Cette attitude qui pousse à mettre la conscience en éveil à tout instant, caractérise l’Initié et le distingue véritablement du commun des mortels.
On peut considérer cette attitude comme une forme particulière de nutrition. De même que l’Homme doit consommer des aliments sains et digestes pour maintenir son organisme physique en bonne santé, de même, il est tenu de laisser entrer dans son psychisme que des matériaux purs: c'est-à-dire des idées, des pensées lumineux et des sentiments généreux et chaleureux; autrement, il mettrait à la longue sa santé mentale en péril, ce qui ne peut qu’influencer son corps physique. Pour les Initiés, toutes les maladies ont leur origine, dans la nature des pensées et des sentiments que l’Homme consomme quotidiennement.
Par une conduite consciente, l’Homme empêche sa nature inférieure de lui imposer sa conduite, et prépare ainsi les conditions de la manifestation de sa Nature Supérieure. On associe à l’observation de soi, une autre technique de base extrêmement importante en Initiation: il s’agit de la concentration. Elle implique l’exécution de chaque geste et de chaque acte avec une pleine conscience. Car la façon dont nous agissons envers les êtres vivants ou envers les choses retentit et se répercute sur notre propre être, en créant l’harmonie ou le désordre. Et là aussi, contribuer à notre santé ou provoquer la maladie.
L’apprentissage de l’observation de soi, aussi insignifiante qu’apparaisse une telle technique est la voie qui conduit vers la connaissance de soi et vers la maîtrise de soi. A la longue, l’Initié n’ignorera plus rien de ce qui se passe dans les moindres recoins de son être. Il peut même alors intervenir par la puissance de sa pensée dans son propre organisme, pour rétablir l’équilibre et le fonctionnement de certains organes défaillants.
L’acquisition d’un tel pouvoir sur soi même, permet d’apprécier l’efficacité d’une autre technique de base qui contribue à améliorer la maîtrise de soi: le silence. Il faut ici rappeler que la nature inférieure se caractérise fondamentalement par l’égocentrisme. L’observation a convaincu les Initiés que cet égocentrisme ne peut se manifester que par la grossièreté, dans le bruit, le tapage, la violence, la colère… Que ces phénomènes soient vécus extérieurement ou intérieurement par l’Homme, ne change rien à la question, c'est-à-dire au caractère spécifique de la nature inférieure. Autrement dit, même les bonnes manières ne supposent pas la domestication de la nature inférieure, mais son camouflage ou son refoulement.
Donc parce qu’elle ne cherche qu’à servir les tendances égoïstes, la nature inférieure est poussée de ce fait à se révolter, à mordre, à se venger, à tuer… Par conséquent elle ne peut pas supporter le silence. Elle a peur du silence, car elle n’y trouve pas les conditions favorables pour mettre ses projets à exécution.
Le silence est ainsi considéré en Initiation comme une porte ouverte sur la Nature Divine. Pratiqué à travers la prière, la méditation, la concentration, le silence a pour vertu d’intimider la nature inférieure de l’Homme, afin de la juguler puis de la neutraliser. Mais le silence signifie aussi symboliquement pour l’Initié, la nécessité de taire en lui-même les passions, la haine, la colère, la vengeance… C'est-à-dire tous les états de conscience susceptibles de nourrir et de renforcer sa nature inférieure.
Ainsi, la Nature Divine ne peut apparaître dans l’Homme, que lorsqu’il a réussi à imposer un silence complet à l’activité de son espace intérieur. A certains stades du travail initiatique, même le bruit que produit la pensée dans son mouvement, est considéré comme une nuisance. L’Initié doit parfois être en mesure d’arrêter sa pensée pour laisser s’exprimer sa Nature Divine, qui se manifeste dans le silence.
Ainsi l’être du cogito de DESCARTES, n’est pas la réalité première de l’existence. Notre seule volonté de surveiller étroitement la nature inférieure, en jetant en quelque sorte la lumière sur ses agissements (qui risquent de nous entraîner à la régression psychique) crée un rapport de force qui l’intimide. Nous envoyons de ce fait un signal à l’individualité, pour lui demander d’intervenir.
L’adepte de la MAÂT, traduit ce rapport de force dans les actes les plus concrets comme la nutrition par exemple, acte à travers lequel, il ne se contente plus de satisfaire uniquement son corps physique, siège de la nature inférieure. Mais il doit veiller également à nourrir tous les corps supérieurs qui forment son Individualité (Nature Divine). La nutrition devient alors un acte hautement magique, qui a lieu dans un silence absolu. Il est dit que l’Initié mastique les liquides, mais boit les aliments solides. C'est-à-dire, quelque soit l’aliment qu’il consomme il doit accéder à sa structure la plus élémentaire pour en tirer les énergies qui iront alimenter ses corps subtils.
La domestication s’applique aussi à la force sexuelle. Elle est considérée comme la force la plus forte de toute les forces. Autrement dit elle est la Force Vitale elle-même. Avec cette force, l’Homme pourrait réaliser les travaux les plus gigantesques qui soient, se dédoubler pour voyager dans toutes les régions de l’espace. Les Initiés comparent d’ailleurs cette force au pétrole ou à l’énergie nucléaire:«seuls les ignorants se brûlent avec, alors que ceux savent la maîtriser, en tirent d’innombrables applications».
Constatons d’abord, que cette force se manifeste comme une pression, un désir puissant qui pousse l’Homme à lui donner issue vers le bas, cédant ainsi aux sollicitations de sa nature inférieure. Il gaspille de ce fait une énergie rare. Et ce gaspillage le précipite vers la vieillesse, la maladie, la faiblesse, l’ignorance et la mort. L’immense majorité des humains n’en sait pas plus sur l’usage de la force sexuelle.
Mais les Initiés, eux savent que cette pression de base, doit être utilisée pour diriger et propulser l’énergie sexuelle non vers le bas, mais vers le haut, vers le cerveau. Des canaux spéciaux ont été prévus par la nature pour son transport. Tout au long du voyage qu’elle effectue du bas de la colonne vertébrale vers le cerveau, la Force Vitale réveille de nombreux centres énergétiques dans l’organisme humain. Lorsqu’elle arrive enfin au cerveau, des centres plus puissants entrent alors en activité. Ce sont ces centres qui permettent à l’Homme d’entrer en contact avec l’Intelligence Cosmique (MAÂT), qui peut ainsi s’exprimer puissamment et librement à travers lui. Alors, l’Homme devient un génie, une divinité.
En Egypte ancienne, le port d’une coiffure rehaussée d’un Uréus, indiquait que celui qui la portait, était parvenu au plus haut degré de domestication de la force sexuelle. Car, le symbole de cette force en Initiation est le serpent.
Mais seule l’adhésion à une conception différente de la conception dominante de l’amour, c'est-à-dire à une conception désintéressée, et impersonnelle de l’amour permet d’obtenir un tel résultat. On estime en Initiation qu’il existe trois niveaux de manifestation de l’amour: le niveau physique, le niveau sentimental et le niveau spirituel.
Le premier niveau est le plus archaïque et le plus destructeur pour l’Homme. Car, il est uniquement fondé sur la satisfaction des tendances égocentriques à travers la sensualité, les émotions et la sexualité. L’Homme détruit ici son potentiel vital et tend à l’abrutissement. Quant au niveau sentimental, il se caractérise par l’instabilité.
En effet, au niveau de la nature inférieure de l’Homme, le sentiment est à l’image même de cette nature: versatile et instable, car la nature inférieure, ne possède pas de conscience morale. Déterminée par la propension à prendre, son affectivité s’exprime à la fois par la recherche du plaisir, par le n
On peut donc conclure ici, que l’infidélité et l’instabilité caractérise l’affectivité de la nature inférieure. Et, l’amour ne peut s’y établir de façon durable. C’est pourquoi lorsqu’un couple a usé les niveaux physique et sentimental de l’amour, seuls les intérêts communs, les enfants, l’habitude ou la résignation permettent de continuer à vivre ensemble. Mais alors, il n’est plus possible de parler d’amour.
Pour les Initiés, la seule conception valable de l’amour, est celle fondée sur un état de conscience permanent. Donc un amour hors d’atteinte de toutes les circonstances. Dans une telle situation on aime sans attendre d’être aimé, sans rien demander en retour à tous ceux qui bénéficient des bienfaits et conséquences positifs de cet amour. C’est cela le désintéressement, l’amour impersonnel.
Cet état de conscience est le produit et la conséquence du développement spirituel de l’Homme lui-même. Le résultat de la vie qu’il mène, qui est fondée sur la pureté des pensées et des sentiments. Bref cet amour est fondé sur l’incarnation en lui de la MAÂT ou Nature Divine. Et, c’est le soleil qui illustre parfaitement cet état de conscience. En effet, lorsqu’un adepte de l’Initiation réussit à l’établir en soi, il est animé par un état de félicité indescriptible, de plénitude et d’abondance. Ainsi l’Amour ne dépend pas de conditions extérieures à l’Homme, par exemple du fait de rencontrer une ou un partenaire, mais il relève en fait de son état intérieur. De la manifestation en lui de la MAÂT.
4. Méthodologie comparée en Initiation
La science Initiatique est riche d’un nombre considérable de techniques de travail, qui forment sa méthodologie universelle. Il faut souligner que chaque civilisation de l’Humanité a contribué selon son intérêt pour le développement spirituel de l’Homme, à enrichir l’épistémologie et la méthodologie de la science initiatique. Pour s’en faire une idée, nous prendrons ici l’exemple de l’Inde. L’intérêt de s’arrêter sur l’Inde est que ce pays a reçu selon nous primitivement sa pensée initiatique de l’Afrique. Les Hindous ont appelé leurs techniques de travail spirituel, les yogas. Chaque yoga est destiné à développer un élément de la structure mentale de l’Homme. Ainsi:
a)-Pour certains individus qui sont attirés par l’étude, la réflexion, le travail de la pensée, la spiritualité hindoue a crée le Jnana-yoga, c'est-à-dire, le yoga de la connaissance, afin qu’ils puissent s’identifier par l’approfondissement de la pensée, à l’Intelligence suprême de Dieu.
b)-Pour d’autres, qui possèdent une puissante volonté, des énergies à dépenser, un grand dévouement qui les pousse à servir les autres, il existe le Karma-yoga. C’est le yoga des œuvres, des devoirs à accomplir, sans attendre ni paiement, ni récompenses. Le Karma-yoga, est le yoga de l’action gratuite et désintéressée.
c)-Pour ceux qui veulent se dominer, maîtriser leurs instincts, leurs impulsions, il existe le Radja yoga (Radja veut dire roi). Ce yoga prescrit la concentration et la domination de se soi. Celui qui s’y adonne devient roi de son propre royaume intérieur. En fait il laisse ainsi s’exprimer de façon souveraine la Nature Divine en lui-même.
d)-Quant au Chabda-yoga, ou yoga du verbe, il consiste à prononcer certaines formules ou «mantras», à tel moment, tel nombre de fois, avec telle intensité… étant entendu que le verbe est en Initiation une puissance véritable, un véritable outil avec lequel on peut obtenir de grands résultats. Il sert généralement à guérir, à désenvoûter, à chasser les esprits maléfiques, à créer l’harmonie et des conditions favorables à la concorde et à la tolérance. A l’inverse il est bien connu que la parole peut blesser, tuer, rompre des liens, rendre malade, et provoquer de véritables catastrophes, etc…
e)-Le Hata-yoga, s’adresse surtout à ceux qui aiment faire des exercices physiques, en prenant des postures compliquées appelées «asânas», lesquelles imposent de se plier, de se tordre, se rouler en boule, faire passer les jambes derrière la tête… Notons que ces postures sont fondées sur une connaissance précise des centres spirituels de l’Homme, que chaque posture exécutée à la perfection déclenche le fonctionnement. Ce yoga demande beaucoup de volonté et de persévérance et aussi une constitution physique adaptée. C’est du reste le yoga le plus répandu dans le monde, et notamment en occident.
f)-Il existe aussi le Kriya-yoga ou yoga de la lumière. Il consiste à travailler avec la lumière, penser à elle, s’entourer de toutes les variantes de ses couleurs, les introduire en soi et les projeter autour de soi, pour éclairer les autres et ainsi les vivifier. C’est un travail qui accélère le développement spirituel de l’être. Car comme on le verra dans un texte à venir par l’évolution spirituelle l’Homme tend à s’approprier le comportement et les qualités de la lumière.
e)-Enfin l’Agni-yoga ou yoga du feu constitue une technique extrêmement puissante. L’Initié appelle en lui le feu divin qui doit venir consumer toutes ses faiblesses, ses instincts et tendances égocentriques afin de terrasser sa nature inférieure. L’Initié cherche aussi à s’identifier au feu, et à pénétrer ses mystères. C’est en réalité vouloir s’identifier à Dieu Lui-même, car en Initiation, c’est le feu qui représente Dieu, et la lumière, sa manifestation.
Ainsi la contribution de l’Inde à travers l’Hindouisme et le Bouddhisme à la constitution de l’Initiation en tant que science universelle du développement psychique et spirituel de l’Homme, est donc très importante. Mais tous les yogas ou techniques de travail spirituel que nous venons de voir, peuvent se résumer en une seule technique: c’est ce que l’on pourrait appeler en sanscrit: le Surya-yoga, ou yoga du Soleil. C'est-à-dire précisément la MAÂT. Mais les hindous ne l’ont pas inventé.
La MAÂT, version pharaonique de la science initiatique, est justement l’invention des anciens Egyptiens. Elle constitue l’apport fondateur de la science initiatique dans l’Histoire humaine. C’est pourquoi toutes les écoles initiatiques occidentales commencent toujours par revendiquer une ascendance pharaonique.
La théorique solaire initiatique des habitants de Kemit, pose avant tout la perfection comme le but ultime du développement spirituel de l’Homme. Celui-ci ne doit pas se contenter d’acquérir séparément certaines qualités, mais par une méthodologie unifiée, il doit aspirer à les acquérir toutes, par identification de l’Homme à Dieu, de la Création au Créateur, de la nature humaine à la Nature Divine. Nous étudions dans un prochain article cette méthodologie à travers la réligion solaire pharaonique. Car il est dit dans les anciens papyrusque: Maât est le Ka de Ra.
Quant à l’Inde, elle est fondamentalement un pays métisse. Les premiers habitants à avoir occupé son territoire sont les Africains. Venus de l’Abyssinie et de la vallée du Nil, ils ont apporté dans leurs bagages la pensée initiatique. Puis les peuples leucodermes aryens sont venus se mêler à cette population originelle. Progressivement, le rapport démographique a changé. Les Noirs sont devenus minoritaires, mais leur pensée a continué à dominer la société, récupérée par les Aryens.
Ainsi le développement des castes en Inde est une perversion du mode d’organisation des Négro-Africains(le système communautaire) au profit des Aryens.
En effet en Afrique les castes constituent un phénomène spécifique voire marginal, concernant uniquement le secteur professionnel. Sur le plan spirituel, leur existence participe à la dynamique plurale de la société africaine#. En Inde par contre les castes fondent la structure sociale elle-même.
Ce phénomène étranger à la pensée initiatique a eu pour conséquence de matérialiser le nouveau rapport de force entre Indo-européens, qui occupèrent les castes supérieures et les Africains qui furent relégués dans les castes inférieures, voire même hors castes pour devenir des dalits (intouchables). Or, l’existence des castes pervertie la pensée et la pratique initiatiques, qui sont étouffées et handicapées par cette pétrification des structures sociales. L’Initiation ne peut plus alors comme en Egypte ancienne communiquer à la société sa puissance prométhéenne et son projet de société: réaliser la Fraternité Universelle en les Hommes sur Terre.Car la spiritualité est acculée vers une voie collatérale: le mysticisme et la contemplation. C’est pourquoi l’Hindouisme n’est pas une religion universelle, mais une religion sociocentrique, c'est-à-dire, liée aux structures de la société indienne. Elle instaure entre les castes et notamment contre les intouchables un véritable apartheid, d’autant plus efficace qu’il est lié à l’identité même de la culture hindoue.
En Afrique, l’Initiation n’a pas été entravée par un tel handicap dans son élan et son projet, en raison de la cosmogonie africaine qui prescrit la complémentarité entre tous les êtres du cosmos et, la fusion entre l’Homme et Dieu. L’Initiation joue ainsi dans la société africaine un rôle éminemment révolutionnaire. Elle brise toutes les barrières sociales en créant une mobilité sociale puissante qui débouche sur une parentalisation universelle des rapports entre tous les êtres du cosmos: la Fraternité Universelle. L’Egypte pharaonique en tant que type idéal de la société africaine développée en donne l’exemple le plus parfait.
Recapitulons et précisons: le rôle de l’Homme dans l’évolution spirituelle, est de créer des conditions qui éveillent en lui la Nature Divine (MAÂT) et qui lui permettent de se manifester puissamment et souverainement. Ceci signifie en réalité, que la nature inférieure (Isfet) ne peut pas changer. Rien, ni l’éducation, ni l’instruction et même pas les méthodes de travail initiatique ne peuvent transformer sa nature. En fait, tout ce qu’elle peut faire, c’est de laisser en l’Homme sa place à la Nature Divine.
Car, sa nature est faite d’une matière grossière et périssable. Donc quoique l’on fasse, cette matière ne peut ni changer, ni s’améliorer. On peut à force de s’occuper d’elle, réussir à la rendre très capable, très puissante, gigantesque, au point où elle peut engendrer des artistes, des savants, des ingénieurs, des Hommes de talents voire de génie, mais toutes ces qualités ne changent pas la nature de la nature humaine. Elle reste égocentrique. C’est cette caractéristique fondamentale qui fait que, l’Humanité a beau être savante, mais tant que les Hommes restent soumis au comportement de la nature inférieure, elle restera potentiellement malade, et en voie de régression spirituelle.
Si elle persiste dans cette voie, elle finira tôt ou tard par s’autodétruire. Et personne d’autre ne l’aura aidé pour cela que sa propre dynamique mentale. Ainsi aucune éducation ne peut rendre la nature inférieure divine. Elle gardera toujours sa nature, son égocentrisme. Si elle le perd, c’est qu’une autre nature a prit sa place. Par conséquent, on doit comprendre, que ce n’est pas le même «Moi» qui est sujet à des variations dans l’Homme, qui devient pire ou meilleur suivant les circonstances. En fait ce sont deux natures absolument différentes qui font alternativement irruption à travers notre conscience, laquelle se comporte alors comme un écran sur lequel viennent se refléter des images de diverses qualités à tour de rôle. La Nature Divine de l’Homme ou MAÂT, garde sa nature: le désintéressement. Elle n’est jamais ténébreuse ou égoïste. S’il se produit en l’Homme la moindre manifestation de cette qualité, c’est nécessairement ISFET, la nature inférieure de l’Homme qui en est la cause.
Or, l’Homme n’est pas équipé pour lutter contre sa nature inférieure. Nous avons vu que cette nature, tout au long des millénaires est devenue toute puissante, et l’Homme qui ne sait pas exactement qui il est, lui-même, a fini par s’identifier complètement à elle, à tel point que l’individualisme devient de nos jours un mode de vie que les institutions internationales elles mêmes font la promotion à travers les concepts de droits de l’homme, de libéralisme et d’ajustement structurel. Mais s’il a compris la nécessité d’évoluer spirituellement, l’Homme devra trouver des alliés pour parvenir à la domestication de sa nature inférieure: source de toutes ses pathologies. Le seul allié puissant, capable de nous aider dans cette tâche est justement la MAÂT, la Nature Divine.
Car aucun adepte de l’Initiation n’a jamais pu vaincre la nature inférieure avec sa propre volonté. Lutter contre elle est donc inutile. Si nous essayons de le faire, nous gaspillons nos forces et nous finissons épuisés et anéantis. Car la nature inférieure possède des ressources colossales et variées qu’elle sait manipuler pour nous vaincre: instincts, pulsions, passions, vices, désirs etc.… Il faut donc laisser faire une entité possédant une puissance supérieure à celle de ISFET. Un grand Maître de l’Initiation contemporain a pu dire à ce propos:
«Il arrivera même un moment où vous regarderez comme au spectacle comment le ciel en vous se bagarre avec la personnalité (nature inférieure). Vous regarderez et vous verrez comment à la fin, la lumière, la paix s’installe et la personnalité se tait, assommée, vaincue. Vous n’avez presque rien fait, se sont d’autres qui sont venus vous aider».
CONCLUSION
Si les pharaons sont parvenus à bâtir une civilisation qui étonne toute l’Humanité aujourd’hui, ce n’est pas par accident. Contrairement aux Africains de la société postcoloniale qui aspirent à la facilité et aux plaisirs, l’expérience de nos ancêtres nous enseignent qu’il y a d’abord une véritable révolution à accomplir dans la structure mentale de l’Homme avant que ne puissent apparaître et s’imposer des qualités supérieures en nous, c’est ce que nous avons déjà appelé la mentalité pharaonique.
Et, il n’y aura pas de Renaissance Africaine avant que ce bouleversement ne puisse s’accomplir. Ainsi, c’est uniquement en soumettant notre comportement à la rigueur initiatique, donc à la pureté des pensées et des sentiments, que nous pouvons créer les conditions permettant de juguler la nature inférieure, donnant ainsi la possibilité à la Nature Supérieure, la MAÂT, de s’installer et de se manifester en nous. Si nous persistons dans cette direction, la MAÂT deviendra alors toute puissante dans notre psychisme, et l’Homme parviendra ainsi à fusionner avec Elle et devenir lui-même une divinité.
Dans cette optique, la conscience humaine ressemblera de plus en plus à une boule incandescente. L’intellect de l’Homme deviendra de plus en plus puissant, plus pénétrant et plus lumineux. Son cœur deviendra de plus en plus généreux et tolérant et sa volonté deviendra toute puissante. L’évolution spirituelle tend ainsi à tout transformer en lumière. La Terre elle-même perdra un jour son opacité. Et, revêtue d’un corps de lumière, toute la Création finira un jour par retourner au sein de la MAÂT, qui Elle n’a ni commencement ni fin et donc échappe à l’évolution spirituelle.